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TRIBULATIONS D'UNE APPRENTIE CHANTEUSE ...!
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22 novembre 2006

Pianiste accompagnateur

Ahlala, franchement qu'est ce qu'on ferait sans eux !!
Hier j'ai déchiffré "Gretchen am Spinnrade" avec le pianiste, ohlàlà c'était vraiment trop beau, la partie de piano est magnifique !!

Petite anecdote :
A Pouic je travaillais le morceau "Mignon" de Gounod, et la prof de chant me dit "J. va te jouer l'accompagnement seul pour que tu puisses voir à quoi cela ressemble". Et là, le choc : la pianiste était vraiment excellente, elle vivait à fond le morceau, alors qu'il n'est pas vraiment sensationnel lol, et je me suis "Wahou, faut vraiment que j'assure en chantant cela, je ne veux pas gâcher sa partie de piano !!!".
C'est la première fois (et la dernière je crois) que je me suis dit cela, et franchement cela doit vraiment être le pied de trouver un accompagnateur avec qui l'on puisse se dire tout le temps cela et avec qui il y a une vraie "symbiose" !
A mon avis cela doit être super d'être en couple avec un musicien car au niveau musical cela doit rendre vraiment trop bien (bon alors, je suis célibataire, s'il y a un pianiste intéressé lol ! Mais j'aime beaucoup le violoncelle aussi lol !)

Bref, tout cela pour leur rendre un petit hommage et vous faire lire un article concernant ce "héros méconnu" (article écrit par Lucie Renaud, disponible ici) :

The_Pianist_by_Manu_80«Par la suite, il m'est arrivé, des dizaines de fois, de paraître à ses côtés sur une estrade, mais je n'ai jamais su comment saluer, dans quelle direction porter mes regards, ni à quelle distance derrière elle je devais marcher. Je passais rapidement, comme une ombre, sans regarder le public, je prenais place en baissant les yeux, je posais mes mains sur le clavier.»

Ces quelques phrases écrites par Nina Berberova en 1934 dans son roman L'accompagnatrice sont-elles représentatives de la réalité vécue par les pianistes accompagnateurs à l'aube du nouveau millénaire ? Les mentalités ont-elles évolué vers une plus grande considération de ce rôle apparemment ingrat ? En fait, le statut de l'accompagnateur offre certaines ressemblances avec celui de l'anesthésiste en salle d'opération. Ces deux métiers demandent énormément d'années d'étude, une grande spécialisation, un esprit constamment en alerte pour éviter tout pépin. Mais quand tout est terminé, le soliste et le chirurgien sont seuls à recevoir les éloges...

Il faut d'abord réaliser que le métier de pianiste accompagnateur est relativement nouveau dans le domaine de la musique classique. En effet, au départ, les accompagnements étaient plutôt joués sur des instruments à cordes de la famille du luth. À l'époque baroque, le claveciniste devient toutefois essentiel pour la réalisation de la basse continue. Il improvise des accompagnements élaborés, qui doivent demeurer dans les limites harmoniques prescrites par le compositeur.

Dans l'opéra italien du XVIIIe siècle, les récitatifs restent toujours soutenus au continuo mais l'accompagnement commence à prendre une place plus importante dans les arias. Les meilleurs compositeurs de l'époque élaborent ainsi des parties instrumentales beaucoup plus denses qui transforment les arias en duos pour voix et instrument. À la fin du XVIIIe siècle, le piano détrône définitivement le clavecin et devient l'instrument de prédilection pour l'accompagnement et la musique de chambre. La basse d'Alberti est d'abord privilégiée par les compositeurs, son motif d'accords brisés supportant le soliste. Peu à peu, la texture des parties de piano se métamorphose et atteint un premier sommet avec Schubert. Celles-ci contribuent autant que la voix à dépeindre les paysages sonores et les émotions sous-jacentes au texte du poème choisi. On n'a qu'à penser à l'effet de rouet obtenu au piano dans Gretchen am Spinnrade (Marguerite au rouet) ou aux figures d'accompagnement bondissantes de Die Forelle (La Truite).

Schumann et Brahms renforcent l'importance du piano dans leur lieder mais ne vont pas au-delà de la relation de base proposée par Schubert. Dans les lieder de Liszt, Wolf et Malher, l'accompagnement joue un rôle psychologique : il complète, prolonge le sens des paroles et traduit l'émotion. Au XXe siècle, le pianiste devient ainsi le collaborateur essentiel et constant du soliste, en imposant un rythme, en enveloppant le texte d'une harmonie subtile, en créant une atmosphère.

Le rôle de l'accompagnateur a été particulièrement dénigré à la fin du XIXe siècle. Le public ne le considérait souvent que comme un mal nécessaire et les solistes, particulièrement les chanteurs, traitaient leurs partenaires avec condescendance et dédain. Au cours des années qui ont suivi, toutefois, un lent revirement a été observé. Des accompagnateurs de haut calibre ont su redorer le blasonde la profession. Parmi ceux-ci, Gerald Moore fut une figure de proue. Dietrich Fischer-Dieskau, Victoria de Los Angeles, Elisabeth Schwarzkopf, Pablo Casals, Yehudi Menuhin, pour n'en nommer que quelques-uns, ont tous profités de sa sensibilité et de son immense expérience. Il redonne au métier ses lettres de noblesse et dépeint dans ses récits autobiographiques le milieu musical de l'époque avec une verve et un humour tout britanniques.

Pour devenir un bon pianiste accompagnateur, il ne suffit pas de jouer correctement et d'avoir une lecture à vue supérieure. La production du son doit être pensée pour se fondre avec celle du soliste, qu'il soit chanteur ou instrumentiste. Les nuances doivent être savamment dosées, les respirations contrôlées mais non artificielles, la direction de chaque phrase étudiée méticuleusement. L'accompagnateur doit atteindre le degré de legato qui se rapprochera le plus possible de la voix humaine ou d'un instrument à cordes, tout en réalisant que le piano restera toujours un instrument à percussion, donc par essence inapte à produire un vrai legato.

Une des grands défis du pianiste demeure le contrôle de la balance sonore. Celui-ci ne peut pas décider, de façon permanente, del'intensité d'une nuance. Par exemple, le piano (son doux) d'un lied de Brahms n'aura pas la même intensité que celui d'une mélodiede Debussy. Il faut aussi considérer la tessiture de la voix ou de l'instrument, les forces et les faiblesses du soliste, l'acoustique de la salle et la qualité de l'instrument mis à la disposition du pianiste. L'expérience entre tout particulièrement en ligne de compte ici, car la perception sonore sur la scène est souvent par rapport à celle que le public a en salle.

Il existe, de plus, une différence essentielle entre accompagner un chanteur et un instrumentiste. Avec un chanteur, l'accompagnateur assume presque seul la responsabilité de la l'équilibre entre la voix et le piano. Par contre, dans les oeuvres instrumentales, les deux musiciens contribuent aux effets sonores, ne recherchant pas systématiquement l'équilibre et le fondu. Lors des solos, le pianiste doit se faire discret : l'instrumentiste, quant à lui, doit pouvoir minimiser l'intensité sonore de son jeu quand le pianiste joue une partie dominante mélodiquement. (L'édition originale des sonates de Beethoven porte d'ailleurs lamention « Sonates pour piano et violon » et non le contraire !)

Le cauchemar du pianiste accompagnant des chanteurs reste sans contredit la transposition. Plusieurs de ces derniers sont reconnus pour soudainement demander à l'accompagnateur, quelques heures avant un concert, de transposer une pièce un ton plus haut ou plus bas. Pour le chanteur, peu de différences - à part son confort vocal - sont perceptibles entre le même lied chanté en fa majeur ou en mi majeur. Pour le pianiste, l'histoire est toute autre. Les altérations accidentelles et les modulations doivent être adaptées d'une tonalité à l'autre et, bien souvent, un passage qui tombait parfaitement sous la main dans la tonalité originale (N'oublions pas que plusieurs compositeurs étaient eux-mêmes pianistes.) devient réellement problématique dans une autre tonalité.

Résoudre ces difficultés techniques ne représente qu'une partie des qualités essentielles à un bon accompagnateur. Plus que toute chose, il doit posséder une bonne dose d'abnégation, une force de caractère appréciable et un sens de la diplomatie aigu. Des études en psychologie et en pédagogie peuvent s'avérer un outil essentiel quand vient le temps des faire des « suggestions constructives » au soliste accompagné. Le pianiste doit apprendre quand émettre une opinion et quand accepter la critique. L'ego des solistes est généralement très fragile et les gants blancs sont souvent nécessaires!

Quoiqu'il arrive, le soir du concert, le soliste aura toujours raison et la force de l'accompagnateur résidera dans le sang-froid qui lui permettra de sauter trois mesures sans broncher et de retomber sur ses pieds !

On devient pianiste accompagnateur un peu comme on entre en religion : en se découvrant une vocation. L'accompagnement ne devrait jamais être un pis-aller, en attendant une carrière soliste. De nombreuses joies attendent le pianiste dans son périple : travailler avec un artiste généreux qui saura reconnaître ses compétences, l'apprentissage constant de nouveau répertoire mais, surtout, le plaisir de partager l'amour de la musique. Warren Jones, accompagnateur de réputation internationale, va jusqu'à décrire cette collaboration comme une « communion mystique ».

La découverte - au-delà de tout échange verbal - de la personnalité des musiciens accompagnés, demeure certainement une des plus grandes satisfactions que le métier puisse apporter.

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